Grande gagnante du trophée Transition, Joanne Boachon (Minéka) a reçu son prix à l'occasion de la soirée Décideures 2023, organisée mardi 30 mai au H7 dans le quartier Confluence. Elle est l'une des cinq lauréates des 20 ans de l'événement proposé par Tout Lyon et ses partenaires.
Fondatrice et dirigeante de Minéka, celle qui possède une formation d'architecte s'est finalement lancée dans l'entrepreneuriat en créant cette structure associative dédiée au développement du réemploi des matériaux dans le BTP.
Joanne Boachon : "Ce prix est une reconnaissance du travail effectué"
Portrait - Joanne Boachon, la résolue
En délaissant l’architecture pour lancer Minéka, Joanne Boachon a été précurseure dans la démocratisation du réemploi dans la construction. Elle a immanquablement essuyé les plâtres.
Laine de verre, poutres, panneaux de bois, portes, menuiseries, luminaires, parquets, carrelages… le Minéstock a des airs de caverne d’Ali Baba pour les bricoleurs en herbe comme pour les professionnels du bâtiment. Dans les allées de cet immense stock de matériaux de réemploi pour la construction, Joanne Boachon promène avec aisance sa frêle silhouette qui cache une solide détermination.
Car pour penser et ouvrir ce site, une grande ténacité fut indispensable. Flash-back. Diplômée en 2010 d’un master en architecture environnementale de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Lyon, la jeune femme se trouve vite confrontée à une perte de sens dans l’exercice de son métier. "J’ai toujours eu de très fortes convictions écologiques que j’appliquais dans ma vie personnelle, mais que je ne pouvais pas mettre en oeuvre dans ma vie professionnelle", se souvient-elle.
L’exposition Matière Grise au Pavillon de l’Arsenal, puis un mémoire sur le réemploi dans le cadre de son habilitation à l’exercice de la maîtrise d’oeuvre en son nom propre vont servir de déclic. "Grâce aux rencontres et aux échanges, j’ai constaté l’absence de lieu où se fournir en matériaux de réemploi", explique Joanne Boachon. L’architecte se mue alors en entrepreneure pour créer Minéka, fin 2016.
L’entrepreneuriat ressemble aux montagnes russes
Dès la première année, l’association de l’économie sociale et solidaire fait la preuve de concept et récupère sept tonnes de matériaux. Le collectif d’architectes Pourquoi Pas, le coworking Bricologis, l’incubateur Alter’Incub, l’association Osons ici et maintenant, la pépinière Anciela, la fondation Emergences, la Métropole de Lyon... soutiennent ce projet innovant. Pourtant, rien ne sera simple et les regards restent souvent perplexes, voire presque moqueurs.
"Aujourd’hui, le réemploi est à la mode et le cadre législatif est de plus en plus favorable. Il y a 4-5 ans, nous étions pris pour des fous", sourit la directrice-fondatrice qui, à 38 ans, a acquis une vraie légitimité dans son domaine. L’an dernier, Minéka a récupéré 125 tonnes de matériaux et en a redistribué 90 tonnes. A la fois service de collecte et plateforme de redistribution de matériaux à prix solidaire, l’association conseille également les maîtres d’oeuvre et d’ouvrage dans leur démarche de réemploi.
Prochaines étapes : déployer une campagne de sensibilisation pour construire mieux avec moins et développer les modules de formation. Joanne Boachon vit encore les montagnes russes dans son quotidien d’entrepreneure, mais a gagné en confiance en elle et a appris à relativiser. S’il fallait recommencer, celle qui, lucide, se décrit comme "une bonne élève un peu trop prudente" oserait sans doute plus et prendrait davantage de risques.
Son entreprise :
Minéka exerce sous le statut d’association depuis novembre 2016 et emploie cinq personnes sur son site de Villeurbanne.
Son engagement Solid’R :
"On s’inscrit dans les valeurs et les engagements de l’économie sociale et solidaire : prix adaptés, respect des personnes, etc."
Ses influences :
"Amandine Riou, architecte et membre du collectif Pourquoi Pas ?!, et Tamara Yazigi, architecte-urbaniste."
Sa clé du management :
"Au début de la réunion d’équipe hebdomadaire, chacun donne sa météo, ses pépites et ses épines."