Des avocats, greffiers et autres fonctionnaires de justice tournant le dos au garde des Sceaux alors qu'il allait prendre la parole dans la salle C du tribunal judiciaire de Lyon. Le symbole était fort et il a eu son effet. Et au premier chef, celui d'agacer Eric Dupond-Moretti, jugeant cette posture "curieuse et discourtoise".
C'est dans un contexte tendu, tandis que le budget de la justice 2023-2027 sera examiné à l'Assemblée nationale la semaine prochaine, que le ministre s'est rendu le 27 juin à Lyon, à la rencontre des professionnels du droit et de la justice.
Face à lui, des hommes et femmes dénonçant une "insuffisance de moyens", et exprimant une "fatigue" et une "lassitude" pour ne pas dire de la colère, accumulées depuis "trop d'années". Ce sont les propos que l'on pouvait entendre dans les travées et à la barre d'une salle d'audience bondées, aux faux airs de procès où paradoxalement, l'assemblée avait à cœur de demander des comptes à celui qui était sur l'estrade à la place des juges.
Eric Dupond-Moretti, ministre de la Justice, ne souhaitant pas "être le réceptacle de toutes les frustrations de ces 30 dernières années" a plutôt voulu s'inscrire "dans une dynamique d'échanges et de dialogue", préférant "débattre que combattre".
Justice : des hausses de budget face à des baisses de motivation
Arguant d'abord des hausses de budget historiques depuis sa prise de fonction en 2017, l'ancien avocat a indiqué que le projet de loi de programmation du ministère de la Justice, prévoit une hausse du budget de près de 11 milliards d'euros en 2027, soit +60 % (7,5 milliards d'euros) par rapport à l'ancien.
Eric Dupond-Moretti a ensuite annoncé la dotation de nouveaux effectifs pour la justice lyonnaise d'ici la fin de l'année : 9 magistrats du siège, 4 du parquet, 18 adjoints administratifs, 92 contractuels et 11 greffiers.
Cette dernière profession qui, la veille, avait manifesté à l'échelon national pour dénoncer le projet de réforme de sa grille indiciaire qui, d’une part prévoit une augmentation de salaire mais rabote aussi le niveau d'ancienneté de ses membres.
Et ce ne sont pas les 50 millions d'euros octroyés à leur profession en 2017, qu'a argué le ministre, qui ont calmé les ardeurs de l'auditoire lyonnais et en premier lieu des greffiers "sans qui aucune audience ou procès ne pourrait avoir lieu". Qualifiant leur profession d'"indispensable" au bon fonctionnement de la justice.
Ces échanges, à couteux tirés, montrent combien il s'avère difficile pour le garde des Sceaux "de tourner la page du délabrement et de la clochardisation de la justice française", que lui-même avait évoqués le 6 juin dernier au Sénat alors qu'il présentait son projet de loi pour la Justice.
Eric Dupond-Moretti à Lyon : "Notre échange a été fructueux"
Ne pouvant ignorer l'état d'épuisement profond exprimé par les différents corps professionnels qui sont intervenus face à lui, Eric Dupond-Moretti a rappelé fermement :
"Je suis un homme de débat, je viens au cœur des juridictions pour dire ce que je fais et entendre aussi ce qui ne va pas bien et ce qui mérite d'être amélioré. Il faut l'entendre et ça m'oblige. Mais notre échange a été fructueux."
Pour ses contradicteurs, l'essentiel des messages a été clairement adressé et entendu. Reste à ce que le temps parlementaire n'assèche pas les attentes si vives d'une justice qui, à Lyon, est apparue à bout de souffle.
Le tribunal judiciaire de Lyon innove avec le comité des usagers
L'installation du Comité des usagers au tribunal judiciaire (TJ) de Lyon le 27 juin, en présence du garde des Sceaux, a été l'occasion pour ce dernier de découvrir une démarche inédite en France de la part d'une telle juridiction.
Sous l'impulsion du procureur Nicolas Jacquet et du président Michaël Janas, le tribunal judiciaire de Lyon a interrogé des usagers de la justice au travers d'un questionnaire.
Celui-ci permis de mesurer le fonctionnement d'une juridiction à l'aune de la satisfaction de ses usagers. Parmi les points de satisfaction, des justiciables qui ont salué la courtoisie des magistrats et des agents du TJ. A contrario, ils ont exprimé des délais de traitement des litiges trop longs.