"Je n’avais pas mon permis je faisais tout à vélo. Tout se passait bien jusqu’au jour où…", Vance Bergeron, physicien à l’École normale supérieure (ENS) Lyon, marque une pause. Il reprend et remonte dix années en arrière et raconte son accident. Chercheur originaire des États-Unis, il avait 50 ans lorsqu'une dame âgée l'a percuté avec sa voiture. Cet accident a suspendu sa vie pendant deux ans.
"À l’hôpital il n’y a rien d’autre à faire que lire. C'est là que j’ai découvert l’électrostimulation", raconte le physicien, devenu tétraplégique. En 2015, après deux ans de rééducation, il reprend son travail à l'ENS de Lyon et oriente ses recherches sur cette technologie. Appliquée aux vélos, elle permet à des personnes tétraplégiques ou paraplégiques de reproduire le mouvement de pédalagevia des électrodes.
Apprendre du handicap
"J’ai remarqué un gros problème pendant que j’étais à l’hôpital : on fait de la rééducation sur place, mais après, il n’y a rien", remarque Vance Bergeron. Dans la volonté de pallier ce manque, il fonde alors une association à Lyon, l'ANTS (acronyme anglais pour Sport et thérapies neuro-rééducatives avancées). Aujourd'hui, elle met à disposition une salle de sport.
Si les abonnements sont similaires à une salle classique, les appareils, eux, sont adaptés aux personnes en situation de handicap. "À part la douleur, je ne changerais rien. Le handicap lui-même m'apprend des choses", souligne le physicien.
Aux côtés d'Amine Metani, chercheur en stimulation neurologique, il fonde également une start-up, Circles, en 2018. L'entreprise commercialise des vélos à électrostimulation pour des handicapés moteur. La start-up a fermé ses portes en 2020 faute d'accord sur le prix de vente avec les distributeurs. Sans toutefois abandonner le projet.
"On continue de mettre notre "magic" dans les vélos", plaisante Vance Bergeron avec son léger accent américain. Les vélos développés sont aujourd'hui distribués par une entreprise allemande. "C'est lui qui est dans un fauteuil roulant donc il sait dans le moindre détail ce qu'il faut améliorer sur les vélos à électrostimulation qu'on développe ensemble", raconte Petar Kajganic, doctorant à l'ENS de Lyon.
Notre série handicap et entrepreneuriat
Épisode 1 : Marco Petitto (Andyamo) ou la positive attitude
Épisode 2 : Vincent Vacher (S’Handistinction) : L’humain avant tout
Épisode 3 : Michel Sorine, président d'Extra Sports : "Il faut avancer coûte que coûte"
Épisode 4 : Alain Chapuis (FFB Aura), la résilience en étendard
Vance Bergeron, entrepreneur depuis 1993
Le physicien n'en est pas à son premier pari entrepreneurial. En 1993, il a fait partie de l'aventure Airinspace, une entreprise développant des technologies pour améliorer la qualité de l'air des hôpitaux. Il s'est investi pendant dix ans en tant que directeur scientifique et a défini les orientations des projets de recherche.
"Après mon accident, je n'étais plus efficace dans ce poste. Mais je suis encore actionnaire, Airinspace reste un de mes bébés", indique Vance Bergeron.
Désormais, le physicien travaille avec Petar Kajgnaic sur une main articulée grâce à l'électrostimulation. "J’ai eu deux vies, une dans le business et l’autre dans la recherche et c'est une belle aventure", sourit le chercheur.
La double casquette de Vance Bergeron
Vance Bergeron est un mordu de physique tant sur le plan scientifique que sportif. Après des études d’ingénieur chimiste dans la prestigieuse université californienne de Berkeley, il se dirige vers le domaine de la physique. Six ans de thèse plus tard, il décroche un contrat à Paris. Il rejoint ensuite l'ENS de Lyon. Son sujet de recherche : les bulles de savon. Le physicien travaille donc avec de grands groupes comme L'Oréal ou Colgate avant de fonder plusieurs start-up.
S'il ne s'implique plus comme entrepreneur au sein de celles-ci, Vance Bergeron met son expérience au profit de l'association ANTS. Lancée en 2015, aux côtés Michel Sorine, elle favorise l’accès au sport pour les personnes atteintes de handicap moteur.
Si son accident a transformé sa vie, Vance Bergeron a du ressort. Il met aujourd'hui son vécu d’entrepreneur, de personne tétraplégique et de physicien à contribution pour améliorer la vie de personnes porteuses de handicap.